Les heures souterraines- Delphine de Vigan
Un coup de coeur pour ce roman de Delphine de Vigan.
On y croise Mathilde et Thibault le long d'une journée.
Mathilde, quarante ans... a du mal à se lever. Très vite on apprend qu'elle subit depuis plusieurs mois du harcélement moral de son supérieur : Hier, bras droit de cet homme, aujourd'hui, elle n'est plus qu'une ombre dans son équipe. Une ombre que jour après jour il a éloignée de lui. Pourquoi ? Quel a été l'instant déclencheur ? Comment a-t-elle pu ne pas s'en rendre compte plus tôt ? Ces questions, Mathilde se les pose avec douceur, révolte, déception, douleur, colère aussi. Va-t-elle s'en sortir ?
Longtemps Mathilde a cherché le point de départ, le début, le tout début, le premier indice, la première faille. Elle repreanait en ordre inversé, étape par étape, elle revenait en arrière, elle essayait de comprendre. Comment cela était-il arrivé, comment cela avait commencé. A chaque fois, elle parvenait au même point, à la même date : cette présentation d'étude, un lundi matin, à la fin du mois de septembre.
Au début de tout, il y a cette réunion, aussi absurde que cela puisse paraître. Avant ça, il n' y a rien. Avant ça, tout était normal, suivait son cours. Avant ça, elle était l'adjointe du Directeur marketing de la principale filiale Nutrition et Santé d'un groupe alimentaire international.
Thibault a aussi la quarantaine. Au cours de cette journée -le 2O Mai- lui aussi se pose des questions sur ses choix de vie, ses choix amoureux, professionnels.
Médecin généraliste spécialisé dans les urgences à domicile, il sillone Paris, quartier par quartiers, en ayant l'impression de sentir les mêmes misères, les mêmes douleurs, et de ne pas toujours accompagner les gens aussi loin qu'il le voudrait. Que cherche-t-il ? une oreille attentive ? l'amour ?
Il est médecin de ville et sa vie se résume à ça. Il n'a rien acheté de pérenne, pas d'appartement, pas de maison à la campagne, il n'a pas eu d'enfants, il ne s'est pas marié, il ne sait pas pourquoi. Peut-être simplement parce qu'il n'a plus d'annulaire gauche. Il n'y a pas d'alliance possible. Il a quitté sa famille et ne revient qu'une fois par an.
Les deux personnages se font écho dans leur quête personnelle, leur réflexion intérieure, souterraine.
Souterraines aussi toutes ces heures de souffrances endurées en silence par Mathilde, les choses que l'on tait pour se rassurer et continuer à vivre ... jusqu'à quand ?
Le cheminement complexe, celui de "victime", est très bien décrit par Delphine de Vigan : Faire douter l'autre, le rendre coupable, puis lui couper les vivre et les moyens d'exister.
Trés bien exposée aussi la difficulté de surmonter le quotidien lorsque l'on subit : comment continuer à se lever ?
Certains reprochent la solitude de ces deux personnages, leur noirceur. Seuls oui, et en même temps ils ont tous les deux envie de continuer à vivre pour les autres (enfant/patiens), d'avancer. Seuls dans une multitude d'individus, comme chacun de nous au quotidien ?
Pour moi, c'est un véritable coup de coeur pour ce roman, au style simple qui parle bien des émotions des personnages.
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