Au front-Anne Tristan
Après Le quai de Ouistreham(Aubenas) et Dans la peau d'un noir(Griffin), je continue ma découverte des romans d'immersion.
Cette fois ci, Anne Tristan -journaliste- décide d'infiltrer le Front (National) : elle prend sa carte au parti et devient militante à Marseille dans un quartier populaire.
Nous sommes en 1987, le Front commence à faire parler de lui, à être un groupe politique qui "en impose".
Loin des préjugés attendus , Anne Tristan découvre tout d'abord les adhérents au parti comme des gens normaux, déçus des autres partis politique ou par les difficultés de leurs vies.
L'ambiance est chaleureuse et familiale, elle est conviée à la galette des rois et autres fêtes du parti (on a d'ailleurs parfois l'impression que c'est cette vie sociale-familiale que les adhérents cherchent en étant militant).
Les idées du parti sont là, clairement exprimées, sans honte. Anne Tristan y explique les modalités de "formatage" de la pensée des adhérents.
(page 120, livre de poche)
Les anciens abstentionnistes et, surtout, les renégats du RPR sont bien plus nombreux dans les rangs de Le Pen. Dewaert et Takis sont typiques qui ont quitté ce mouvement voici deux ans. [...]
Ce faisant, ils ont changé de parti mais pas d'idées. Pour eux, le Front est simplement plus déterminé et plus moral que la droite classique.
(page 137, livre de poche)
Dans une semaine, le 4 Avril, Le Pen est arrive. Le Pen vient. Le Pen descend. Depuis quinze jours, nous ne parlons que de cela. C'est le branle bas de combat. [...]
Madame Riquet aussi nous rend visite. Elle me reconnaît : nous nous sommes déjà rencontrées à la manifestation de la Maurelette. Elle vient pour acheter, en prévision du grand jour, un des ces autocollants où, sur le dessin d'une france en bleu-blanc-rouge, s'inscrit le slogan "Aimez la ou quittez la" sans équivoque pour les immigrés.
(page 147)
C'est fini, devant moi, les visages sont tendus, transfigurés par la haine. Les petites haines que chacun portait en soi, mises bout à bout ont abouti à cette déferlante qui maintenant les posséde, noie chacun d'eux.
(page 213)
Le Front est une auberge espagnole, on y entre avec sa révolte à soi, sa rancoeur, sa rage de vivre en HLM, de manquer d'argent et tant d'autres raisons d'agressivité rentrée. Chacun apporte sa haine sous le bras, puis grappillant dans les autres plats, trouve à se mettre sous la dent d'autres haines, attisées par des militants chevronnés. Et le doigt est mis dans l'engrenage.
Certains extraits font réagir assez vivement, surtout quand on sait les épisodes politiques qui ont suivi. Et certaines fois, le doute avec un éventuel parallélisme avec les idées politiques ou les discours de notre président m'a vraiment fait m'affoler.
Peut-être, comme souvent dans ce type de récit en immersion, le roman est-il un peu entaché des idées préconçues de l'auteure, d'un certain manque d'objectivité dans certaines descriptions, mais cela ne m'a pas dérangée.
A lire,à lire, à lire.
D'autres "avis"
Une lecture critique du roman par le GAP (groupement d'analyse politique)
Interview d'Anne Tristan de 1988.